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Un soir d'avril

Un soir d'avril
6 avril 2010

Comme si c'était hier

Ce soir là, elle n'allait pas bien. Elle avait faim mais elle ne pouvait plus manger. Ses ongles étaient striés. Ses yeux avaient perdu de leur éclat. Elle parlait de moins en moins. Il devenait difficile de capter son attention.

Quelqu'un avait du appeler l'ambulance car elle s'arrêta juste en face de notre portail. La sirène s'était éteinte. Dans la nuit, le gyrophare continuait d'éclairer la route.

Ils étaient deux, tirant une civière jusqu'à elle.
Je ne l'ai revu que le lendemain, après l'école.

                                                              ***

Les après-midi qui se suivirent furent bref. Durant une semaine, quelqu'un venait me chercher ou je demandais à d'autres de me déposer là-bas.
Troisième étage. Chambre 326.

Je la voyais très peu. Plusieurs personnes venait la voir. Il fallait attendre son tour. Alors j'attendais en face de sa porte, assise au sol du couloir. Le temps passait. La porte restait fermée.

Ce soir là,
elle dormait toujours. Je regardais les mouvements réguliers qu'indiquaient la machine à côté d'elle : une ligne, un pic, un creux, une ligne, un pic, un creux, une ligne, un pic, un creux, une ligne, un pic, un creux, une ligne. Sans aucun bruit, deux personnes arrivèrent tirant une deuxième machine. Ils nous demandèrent de bien vouloir sortir. Je leur demandais pourquoi. Une simple visite de routine m'avait on répondu, pour installer la machine au cas où ils en auraient besoin plus tard dans la nuit. Ils avaient dans leurs mains un défibrillateur.

La ligne s'était remise à bouger. Un pic, un creux, une ligne, un pic, un creux, une ligne, un pic, un creux ...

J'ai couru, le plus vite possible. Ma vue se brouillait, je ne voyais plus les escaliers. Peu importe. Il fallait courir, partir le plus loin d'ici. J'ai couru encore. Jusqu'à la route. Là, je me suis assise et j'ai pleuré. Encore et encore. Je sentais les regards autour de moi. Quelle importance.

Je ne sais pas combien de temps je suis restée assise par terre à regarder les gens entrer et sortir. Une voix familière me dit doucement : "Tu es là, on t'a cherché partout, on va prévenir qu'on t'a trouvé et on va rentrer. Tu viens avec nous." Je les suivais en silence. Sur le trajet du retour, personne ne disait un mot.

                                                              ***

Je sentais l'eau glisser sur ma peau. Je suis tombée, mes jambes ont fléchis sous le poids de la douleur. J'entendais la voix inquiète de ma grand-mère qui m'appelait. Je ne pouvais pas répondre. Je ne voyais plus rien, tout était flou. Elle est entrée dans la salle de bain, quand elle m'a vu, elle s'est précipitée, elle m'a prise dans ses bras pour me relever. L'eau continuait de couler, elle aussi était trempée maintenant. Je l'entendais pleurer. Elle m'enveloppa dans une serviette et m'aida à m'habiller. Je ne sais pas comment j'ai pu trouver le sommeil cette nuit là.

A 1h15, la porte de la chambre coulissa lentement. "C'est l'heure, ils nous attendent. Tout le monde est déjà là-bas, il ne reste plus que nous." Je regardais la ville endormie au petit matin. Tout semblait si calme.

                                                              ***

Elle était enveloppée de rubans blancs. Je demandais pourquoi ils avaient fait ça sur son visage, ça lui donnait un air de momie. On me répondit que c'était pour soutenir la mâchoire. Sa main était dure et froide. Ils l'emmenèrent pour la préparer. Nous quittâmes la chambre blanche.

J'ai allumé une bougie en espérant qu'elle pouvait éclairer son chemin. En espérant qu'elle la verrait.
7h. C'était l'heure de partir. Il faisait déjà jour et la bougie commençait à s'éteindre.

Je la revue allongée dans une robe blanche. Sa main demeurait glacée. Il y avait beaucoup de monde autour d'elle. Je n'en connaissait pas la moitié. Ils venaient me voir, je les remerciais d'être venus.

La nuit qui suivit fut douce et chaleureuse. Il n'y avait que quelques personnes proches qui étaient restées. Nous avions ramené des couvertures et discutions de vieux souvenirs. On ne pouvait s'empêcher de sourire en se rappelant les bons moments. La nuit était fraîche. On voulait faire une nuit blanche, au petit matin tout le monde dormait.

Dans la journée, il y eut encore plus de monde. La messe était ennuyeuse. Tous ces gens que je n'avais jamais vu aussi. Ils venaient me voir, je les remerciais d'être venus.

Ils ont mis un tissu blanc par dessus son visage. Je voulais encore la voir. Ils ont abaissés lentement le couvercle et l'ont emmenés à l'endroit où elle devait se reposer.

La voiture était plus loin. A gauche de mon père, ma soeur, je me tenais à sa droite. Je ne voulais pas y aller. J'ai répété encore ces même mots. Puis j'ai levé les yeux au ciel et mes jambes se sont dérobées. Je suis tombée. Quelqu'un m'a relevé et m'a tenu jusqu'à la voiture. Je continuais de répéter encore et encore. Non, je ne voulais pas y aller. Tout était flou. Je n'arrivais plus à respirer. Je voulais me réveiller. Cette douleur dans la poitrine ne pouvait pas être réelle. Il fallait que je me réveille.


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17 janvier 2010

Là-bas

Je voudrais que tu saches
que je ne t'oublie pas
que je t'aime
que tu me manques
que ces dernières années sans toi me pèsent
que je suis désolée pour ce que je t'ai fait
que je regrette tout ça
que si on me donnait une seconde chance, je ferais autrement

Maman, si tu pouvais me pardonner pour le mal que je t'ai fais
si tu pouvais savoir à quel point je t'aime
si au moins tu savais à quel point tu me manques

Maman, j'aimerai tant que tu sois là
j'aimerai que tout ça ne soit qu'un mauvais rêve,
qu'un jour, je me réveillerai et je te verrai comme tous les matins,
assise rêveuse à la table de la cuisine

Maman, je t'aime, je voudrais que tu saches au moins ça,
je ne t'oublie pas
j'espère que tu es heureuse

12 janvier 2010

Si tu pouvais être là

Si seulement tu étais là, je t'aurais présenté mon ami et mes nouveaux amis.
Je t'aurai montré les sacs que j'ai confectionné. Tu m'aurais appris d'autres astuces de couture.
Je t'aurai aidé à faire la cuisine.

Ca va bientôt faire 6 ans. Tu me manques toujours autant, même plus encore.

Si tu étais là, j'aurai pu discuter avec toi des choses de la vie, de leurs difficultés et de leurs joies.

Ce jour là dans cette chambre d'hôpital, je me sentais si seule. Lorsque le brancardier m'a couché sur la civière et m'a demandé de patienter, j'ai senti une vague de peur monter en moi. Attendre, encore attendre. Mais attendre quoi ? Je voulais me convaincre que c'était un mauvais rêve. Que j'allais me réveiller et qu'il ne se serait rien passé.
Il me demanda si j'étais sure de mon choix, oui je l'étais à moitié, maintenant je sais que j'ai fais le bon choix et je ne regrette rien. Avant de me déplacer, il me dit que je pouvais me cacher sous les draps pour que l'on ne me voie pas. Je n'avais pas honte de ce que j'étais en train de faire, le moment s'approchait de plus en plus et je sentais la peur monter petit à petit en moi. Je me couvris du drap blanc comme pour me convaincre que j'allais m'endormir et me réveiller comme si tout n'était qu'un mauvais rêve.

L'infirmière du bloc opératoire s'est approchée de moi, elle m'a demandé comment j'allais. J'avais peur, j'essayais de me convaincre que c'était juste un mauvais moment à passer, que ça n'allait pas faire mal vu que j'allais être en anesthésie générale. Des larmes ont coulées, je me suis dépêchée de les essuyer.
Après quelques minutes qui m'ont paru une éternité, elle vint me chercher pour me faire entrer dans le bloc. Il y avait une sorte de chaise allongée qui ressemblait plus à une table en forme de bonhomme. Elle m'aida à m'y installer. J'avais les bras en croix. De temps en temps, de petites larmes coulaient sur mes joues, elle me tendit un mouchoir. Je frissonnais, elle me frottais les bras pour les réchauffer. Puis elle me mis des capteurs sur la poitrine, puis sur les bras. Elle m'expliqua que par précaution il fallait qu'elle attache mes poignets à la table, je ne pus ravaler mes larmes. Toute la peur que j'avais tenté en vain de réfréner refis surface. Elle essuya mes larmes, je voulais partir, j'avais froid et j'avais peur, très peur. L'anesthésiste me demanda sévèrement pourquoi je pleurais. Je fus incapable de lui répondre tellement l'angoisse que j'éprouvais était forte. Je ne voulais pas être là, je voulais m'en aller. La chose dans mon ventre n'existait pas, elle ne pouvait pas être dans mon ventre. C'est un mauvais rêve, j'allais me réveiller, le plus tôt sera le mieux. Mais je n'arrivais pas à sortir de ce cauchemar. Cet endroit, tous ces instruments, tous ces flacons, ce froid ambiant, toute cette pièce respirait la mort.

Il lança sèchement à l'infirmière : "donne lui un sédatif". Elle m'injecta dans le bras le tranquillisant contenu dans une seringue. L'effet fut immédiat. C'était comme si je flottais. Il me demanda si cela allait mieux, je lui répondis que oui. Et là, les paupières se firent de plus en plus lourdes.

Je clignais les yeux, essayant de lire l'heure sur l'horloge du mur d'en face. J'avais l'impression qu'il s'était seulement écoulé quelques secondes. 30 minutes, non 45 minutes s'étaient écoulées. Incroyable, c'était fini. Bel et bien fini ! J'étais soulagée. On me déplaça dans la salle de réveil. Je me rendormis.

Plus tard, lorsque je ré-ouvris les yeux, j'aperçus l'infirmière discuter avec le personnel de la salle de réveil. "Elle va bien, elle est quand même restée plus longtemps que prévu dans le bloc". "J'ai froid" on me mit une couverture supplémentaire avec étonnement, je n'étais pas froide. Je me sentais lasse, il ne faisait plus aussi froid, j'avais sommeil, je me sentais bien. Je fermais les yeux.

12 janvier 2010

De la fumée cristallisée

Bien des années plus tard, je fis quelques recherches.
Ce cristal qui m'avait fait tant peur ... le Quartz fantôme appelé aussi Quartz fumé.

Il est utilisé le plus souvent pour surmonter la dépression, les cauchemars et la tension. Il aide aussi à soulager la peur, l'anxiété, la dépression émotionnelle, et à conserver la mémoire.
Plus claire est la fumée emprisonnée à l'intérieur du cristal, plus les vertus sont fortes.

12 janvier 2010

Greenlane

90 Greenlane East, Auckland.

On se serait presque cru dans un hotel,
la moquette au sol, les murs élégants, tout le confort d'un 3 étoiles.
A un détail près, les blouses blanches.

De la fenêtre de la chambre du Ascot Hospital,
nous pouvions voir l'Ellerslie Hippodrome.

                                             ***

Un traducteur accompagnait mes parents lors des visites médicales.
Nous avions fini par sympathiser. Un brave homme, ancien apiculteur en Suisse.
Au courant de la situation, lui et sa femme compatissaient pour notre famille.

Un soir où ils étaient venu dîner, on ouvrit des Fortune Cookies en fin de repas. Je ne me rappelle plus du message que contenait le mien. Mais je me souviens parfaitement de celui de ma mère. C'était écrit en anglais, en français on aurait pu le traduire de la sorte : "Les gens ne se rappellent plus de ce que tu leur as donné ou fait pour eux mais ils se souviennent du bien que cela leur a apporté."


                                              ***

Avant de quitter la Nouvelle-Zélande, quelques mois plus tard, il nous offrit trois cristaux de Quartz rose à ma mère, à ma soeur et à moi. A travers le cristal rose, on pouvait voir une sorte de fumée emprisonnée dans le Quartz. Il m'avoua qu'il aurait voulu nous offrir des cristaux avec de la fumée plus claire mais qu'il n'en avait pas trouvé. Ensuite, il m'expliqua que l'on appelait ce type de cristal, du Quartz fantôme. Au nom, j'en eu des frissons. Comme un signe de mauvais présage, comme s'il voulait nous avertir qu'il fallait se préparer au pire.

                                  
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20 mai 2009

novembre 2002

Je suis rentrée chez ma grand-mère. Ma petite soeur est restée à Paris avec mes parents.

                                                           ***

Mes parents allaient bientôt rentrer. La maison était vide depuis un petit bout de temps alors une de mes tantes proposa d'y envoyer sa femme de ménage.

- C'est pas la peine, je vais le faire.
- Toi ? tu vas faire le ménage ? pouffa t-elle de rire, ok alors. Je passerai dans l'après-midi pour te filer un petit coup de main.

Cela me pris une bonne partie de la journée à épouster les meubles et y passer un coup de chiffon ainsi que sur les innombrables bibelots qui ornaient les étagères. La poussière s'était accumulée. Jamais la maison ne m'avait paru aussi grande ! J'avais terminé de nettoyer les vitres et la terrasse, de balayer le sol et j'avais entrepris de passer la serpillère quand ma tante arriva. Elle passa un doigt sur deux ou trois meubles puis me dit que finalement il n'y avait pas tant de poussières que ça au bout de deux mois. J'avais envie de lui dire que c'était normal vu que je venais de les nettoyer mais j'étais trop fatiguée pour répondre et surtout très contente de ce que j'avais accompli, c'était la première fois.

Quand mes parents sont arrivés, j'ai pris ma maman par la main et je lui ai montré les carreaux :

- T'as vu maman, c'est tellement propre qu'on peut voir son visage.
- C'est toi qui a nettoyé ?
- Oui.
- C'est bien, on devrait partir plus souvent.

Là, j'étais beaucoup moins fière de moi mais toujours aussi contente que mes parents soient enfin rentré.

20 mai 2009

paris 2002

Elle me manque toujours autant. Pourtant ça fait 5 ans qu'elle n'est plus là.

J'ai tellement de choses à lui dire. Tellement de choses nouvelles à partager avec elle.

Elle me manque

20 mai 2009

paris 2002

Maman dormait tous les après-midi à cause de la chimio. Nous nous ennuyions de plus en plus à l'appartement. Mon père m'avait parlé une fois du traitement de ma mère. A vrai dire, je m'en rappelle vaguement, quelque chose comme une aiguille que l'on lui piquait dans le bas des reins. Mais je me rappelle que ça lui faisait très mal. Ça lui faisait vomir. Elle ne pouvait pas bien marcher. Elle avait des successions de coliques et de constipations. La fatigue qui s'en suivait s'ajoutait à celle de la chimio.

Sa peau bronzée avait blanchi. On voyait des veines violettes à travers sa peau. Elle avait aussi des points sur quelques parties du corps. Elle m'expliqua que ces tatouages étaient obligatoires pour la radiothérapie. En m'entendant rouspéter sur mes jambes poilues, elle me montra les siennes en rigolant. Elle m'assura qu'elle n'avait jamais eu besoin de s'épiler les jambes et qu'il n'en était toujours pas nécessaire car ils étaient fins et cela ne se voyait pas. Depuis son traitement, elle n'en avait quasiment plus. En passant sa main sur ses jambes, des poils tombaient.

Elle comprenait notre ennui et elle insistait pour que nous y allions sans elle, qu'elle pouvait très bien rester seule quelques heures. Or mon père était catégorique, il ne voulait pas laisser ma mère seule, à juste titre, et j'ai tellement supplié ma mère de nous accompagner pour un petit moment, qu'elle a fini par céder malgrès la douleur et la fatigue. En même temps, prendre l'air nous ferait du bien et rien de mieux qu'une petite promenade pour se changer les idées et découvrir une des plus belles villes au monde : Paris.

                                                                   ***
- On rentre déjà ?
- Je suis un peu fatiguée ma chérie ...
- Oh non, on peut pas rester un peu plus longtemps ? alleeez s'il te plait.
- Non, il faut que je rentre. Papa va me raccompagner et vous retournerez vous promenez tous les trois.
- Non tout le monde reste à l'appart.
- Ohh c'est pas juste.
- Il n'y a pas à discuter. Ta mère est fatiguée, on rentre, elle a besoin de se reposer.


19 mai 2009

vacances de la toussaint 2002

J'y repense encore, j'aurais voulu avoir assez de courage et de volonté pour l'accompagner où qu'elle aille. Juste pour qu'elle sache que j'étais là avec elle. Maintenant que je sais, j'aurai voulu être là pour passer le plus de temps possible avec elle.

Seulement j'ai fait tout le contraire, j'ai fait comme si elle n'était pas malade, comme si tout était comme avant, comme si tout allait redevenir comme avant.
Maintenant j'y repense et j'ai vraiment été égoiste mais c'est trop tard. Elle n'est plus là maintenant et je dois vivre avec tous ce que je lui ai dit, tout ce que je lui ai fait et ce que je n'ai pas fait.

19 mai 2009

vacances de la toussaint 2002

- Bonjour les enfants
- Bonjour Papa, où est maman ?
- Elle est restée à l'appartement, elle nous attend.

                                                                  ***

Les volets étaient légèrement entre-ouverts, plongeant l'appartement dans une semi-obscurité. Lorsque que je vis ma mère sur le lit, mon coeur se serra. Les cheveux ébouriffés, la peau pâle, le visage fatigué elle serra longuement ma petite soeur contre elle. Puis elle se leva, bafouilla quelques excuses et alla vomir dans les toilettes. Elle était sous chimio. Elle n'avait quasiment plus d'appétit à force de régurgiter ses repas et d'avoir toutes ses nausées, elle ne supportais qu'un peu de riz cantonnais.

                                                                  ***

Nous passions nos journées à attendre l'ambulance. Mon père connaissait les publicités de chaques chaines par coeur. Au début, nous les attendions à l'appartement pendant que l'ambulance les emmenait à la Pitié-salpetrière. Un matin, nous y sommes allés tous les quatre. En montant dans l'ambulance, ma mère demanda discrètement à l'un des ambulanciers si pour cette fois, elle était vraiment obligée de s'étendre sur le brancard. Elle ne voulait pas choquer ma petite soeur. Ils l'autorisèrent à se mettre en position assise. La visite de Paris en ambulance me donna la nausée, non pas le fait d'être dans l'ambulance mais le chauffeur roulait comme un dingue. Assis sur le brancard, nous étions balancés de gauche à droite à chaques tournants comme des sacs de patates.

Il fallait attendre longtemps dans les couloirs de l'hôpital. Je n'avais jamais vu passer autant de malades de ma vie. D'habitude, nous allions dans les hôpitaux pour des naissances. Par la suite, je n'ai plus voulu les accompagner.

18 mai 2009

octobre 2002

C'est fou quand même à quel point j'étais faible et nulle à ce moment là. Je me sens stupide maintenant que j'y repense. Remarque qu'aujourd'hui, ca n'a pas vraiment changé. Sous pression et sous stress, je me laisse toujours autant dépasser par les évènements.

18 mai 2009

octobre 2002

Ma petite soeur fut placée en UM pour le voyage. Une fois dans l'avion, lorsqu'elle s'aperçut que nous n'avions pas de place côte à côte, elle commença à paniquer. Selon l'hôtesse, nous ne pouvions changer de siège qu'après le décollage, elle nous trouverait des places si nous patientions un peu. J'avais du mal à rassurer ma petite soeur, elle ne voulait pas que l'on soit séparé. C'était un long voyage, environ 10h de vol, 2h de transit puis encore 12h de vol. Elle me suppliait des yeux, elle commença à pleurer.

En plein vol, l'hôtesse n'ayant pas le temps de s'occuper de notre léger problème, ni ma voisine, ni le passager voisin de ma petite soeur ne voulaient échanger leur siège. Ma petite soeur était au bord des larmes, elle me suppliait de ne pas la laisser seule. J'essayais de convaincre son voisin sans succès. Il était anglophone et j'avais du mal à m'expliquer avec lui, je ne comprenais pas bien ce qu'il me disait, l'hôtesse toujours indisponible, je le suppliais avec des petits "please, please". Et ma petite soeur qui s'aggripait de plus en plus à mon bras, elle ne voulait maintenant plus le lacher. Elle ne s'arrêtait pas de pleurer. A bout de force, en la voyant ainsi, je ne pus ravaler quelques larmes en retournant à ma place. Je ne savais plus quoi faire.

Un passager assis quelques rangées plus loin vint me voir. Il avait suivi la discussion, comme une bonne partie des passagers d'ailleurs. Il s'était expliqué avec l'anglophone et avait dissipé le malentendu. J'étais soulagée, je me perdais en remerciement.

17 mai 2009

septembre 2002

- Vous allez être bien sage chez votre grand-mère, ok ?
- Oui maman.
- Tu prends soin de ta petite soeur, ok ?
- Oui.
- Je t'embrasse fort fort fort.
- Moi aussi maman, bon voyage à toi et à papa.

                                                                  ***
La maison de ma grand-mère est spacieuse et éclairée, il y fait bon vivre. Elle habite sur une sorte de petite colline à un quart d'heure de l'école de ma petite soeur et de mon lycée. Pour nous motiver, ma grand-mère jugeait bon de nous rappeler que nos parents bien avant nous avaient eux aussi dû monter cette pente raide chaque jour pour rentrer et que nous pouvions nous estimer chanceuses de ne pas avoir à marcher pour l'aller.

Le matin, ma grand-mère nous préparait un petit déjeuner copieux avant de nous déposer à mon lycée et de se rendre à son travail, j'accompagnais ensuite ma petite soeur jusqu'à sa classe. Son école primaire se situait à moins de cinq minutes de mon lycée.
L'après-midi, ma soeur était inscrite à l'étude. Après mes cours, je passais à son école.
- Ta soeur est là ! cria une petite fille
Ma petite soeur m'appela en me faisant de grands signes avec un grand sourire. A demain, Cindy !
Je pris son sac et direction la fameuse pente.
- Je suis fatiguée ... me dit-elle
- Grimpe sur mon dos.
- Allez cheval, hu hu. Je l'imaginais avec un grand sourire derrière mon dos.
- Tu m'appelles encore cheval, et tu vas voir ! Je l'entendais rire de plus belle.

- Les fifilles sont arrivées, chantonna ma grand-mère. Allez vite boire de l'eau et manger quelque chose, la marche ca creuse les estomacs, ensuite les devoirs. Vous voulez de la grenadine ? Il reste du brie, emmène à table avec le pain, ta petite soeur aime bien le fromage, c'est bien ça. Tu devrais en manger aussi.


                                                                  ***


- Quand est-ce que papa et maman rentrent ?
- Dans trois semaines ...
- C'est long ! ca fait déjà longtemps qu'ils sont partis.
Ma petite soeur se mis à pleurer, je la pris dans mes bras pour la consoler.
- Je veux rentrer à la maison !
- Oui moi aussi, ne t'inquiète pas, tu verras ça va vite passer, lui répondis-je sans grande conviction. Viens, il faut mouiller tes yeux sinon demain ils seront tout gonflés.

- Voilà, ils sont tous secs. Bonne nuit ma chérie, fais de beaux rêves.
Elle se contenta de s'enrouler dans la couverture et de serrer son coussin. Un peu plus tard dans la nuit, je l'entendis pleurer à nouveau.

                                                                  ***

- Viens t'assoir à côté de moi, me dit ma grand-mère. Papa a appelé ce matin. Ils ne peuvent pas rentrer tout de suite.
- Quand est-ce qu'ils rentrent alors ?
- Je ne sais pas encore. Ecoute, dans deux semaines c'est les vacances de la Toussaint. Ta petite soeur et toi, vous allez aller les rejoindre à Paris pendant les vacances. On va passer à ta maison chercher du linge chaud, c'est l'automne là bas et il fait froid.


17 mai 2009

deuxième trimestre 2002

Au lycée, l'écart de niveau entre la classe de seconde et la première scientifique était énorme. Entre les week-ends copines et les week-ends plage, auquel s'ajoutait mes pensées qui se préoccupaient davantage des garçons que de mes bouquins, j'ai commencé à rencontrer de plus en plus de difficultés au niveau des matières principales. La difficulté et le retard que j'avais accumulé me démotivait de plus en plus. Mes résultats étaient en chute libre. C'est à partir de ce moment que mon père n'assista plus aux conseils de classe, prétextant des rendez-vous importants. Mes parents furent convoqués par le prof principal, seule ma mère y alla. Verdict : j'avais besoin de cours de soutien.

Une jeune étudiante m'aidait à rattraper mon niveau en maths deux fois par semaine
à domicile. Je me rendais ensuite chez ma grand-mère le mercredi voire le samedi après-midi selon l'humeur de ma tante pour y suivre des cours en sciences de la vie et de la terre, le nouveau nom à la mode pour la biologie. Mes notes en biologie remontèrent légèrement à l'opposé de celles en maths et en physique-chimie.

                                                                   ***

Un mercredi après-midi, ma tante me pris à part :
- Tu as déjà entendu parler du cancer ?
Ce qui était plus une certitude qu'une question, elle m'expliqua longuement le mécanisme de la maladie, son évolution, les traitements possibles et ses risques en prenant soin de m'éclaircir certains termes techniques. Je n'y retenais que les grandes lignes : la maladie rendait les cellules du corps humain "folles". Celles çi ne cessaient de se multiplier et finissaient par envahir le corps du malade. Elles pouvaient aussi migrer et se développer dans une autre partie du corps.
- Il y cinq stades : le stade 0, le stade 1,2, ainsi de suite. Ta mère est au stade 2. C'est un cancer qui s'est étendu mais elle n'est qu'au stade 2a, c'est tard mais on peut encore la soigner ce qui n'est pas forcément le cas du stade 2b. Elle me parla aussi de la chimiothérapie, de la radiothérapie et de la curiethérapie, puis des chances de réussite de ses traitements sur les femmes atteintes en France.

16 mai 2009

premier trimestre 2002

Plongée dans ses pensées, ma mère assise à la table de la cuisine fixait au delà de la baie vitrée un arbre en fleurs du jardin, tout en sirotant distraitement son café du matin. Elle s'asseyait à la même place chaque matin, la même tasse à la main. Une tasse biscornue de couleur brune avec des reflets nuancés et un effet brisé, un caractère asiatique dont j'ignore la signification y était gravé. La gravure épaisse laissait une trace blanche et pure contrastant avec l'effet fissuré de la tasse.

Elle me raconta un peu plus tard que l'on lui avait vivement conseillé d'aller voir un second spécialiste. Une de mes tantes avait un ami spécialisé dans ce domaine qui s'occupait déjà de plusieurs proches, il fallait qu'elle aille le consulter pour obtenir un deuxième avis médical. Selon les dires, les médecins que l'on connaissait personnellement seraient plus attentif et que celui çi était le meilleur de la région dans son domaine. Elle répliqua que son médecin était compétent et plus expérimenté, il y avait peu de chances qu'il se soit trompé, il n'était pas si nécessaire d'aller le voir. Elle était d'accord pour un deuxième avis cependant elle n'avait pas envie de se faire examiner par quelqu'un qu'elle connaissait personnellement.

                                                                     ***

Un après-midi après les cours, mes parents vinrent ensemble me chercher au lycée. Fait étonnant vu qu'habituellement, c'était ma mère qui me récupérait tous les soirs. Nous ne nous dirigions non pas vers le chemin du retour mais vers la clinique de la ville. Elle avait finalement accepté.

- Pas d'erreur, le diagnostic est confirmé.

16 mai 2009

début 2002

- Maman, tu as appelé le docteur ?
- Non ma chérie, pas encore, j'ai trop de travail en ce moment. J'ai plusieurs commandes à traiter et j'ai pris du retard.
- Tu l'appelles, ok ? n'oublie pas, hein ?
- Oui ma chérie, semaine prochaine, je l'appelle. Sans faute. Mais là, j'ai vraiment trop de travail.

Je ne me rappelle plus combien de temps après, mais elle avait fini par l'obtenir ce rendez vous. Je n'y suis pas allée, elle ne m'y avait pas emmené, j'avais peut-être eu un empêchement ou bien j'avais préféré rester à la maison. Je ne m'en souviens plus. D'habitude, elle m'emmène partout avec elle, pour se balader, faire les courses, faire les boutiques, chez le médecin, à la banque ... Une fois, elle m'avait aussi proposé de suivre avec elle des cours de couture, histoire que je sorte un peu plus au lieu de rester scotché devant la télé. "Miss Télé", j'étais. "Ah! si au moins cette petite pouvait se nourrir de télé, elle serait moins maigrichonne" soupirait-elle. "Regarde, tu vas t'envoler au prochain coup de vent ma chérie, il faut que tu manges un peu plus". C'est vrai que j'avais vraiment un appétit d'oiseau à l'époque et par dessus, j'étais assez difficile.

A vrai dire, ma mère n'aime pas me savoir seule à la maison et elle ne pouvait pas me laisser chez la famille sans que je ne rentre en pleurs après m'être disputé avec quelqu'un. C'est compulsif chez moi, j'aime les conflits et je les attire. "Mais de qui tu tiens ce caractère de cochon ?" me disait-on. De toute façon, "on est bien mieux chez soi" me disait-elle. Nous vivions dans une commune réputée pour ses faits divers.

- Tu fais attention, hein ? je n'en ai pas pour longtemps.
- Mais oui, maman. T'inquiète, je suis grande maintenant.
- J'emmène ta sœur chez mémé. Tu ne veux pas y aller aussi ?
- Non.

Quand je restais à la maison, ma mère prenait soin de fermer minutieusement à clé toutes les portes et fenêtres. Elle pouvait ainsi partir l'esprit plus tranquille à ses cours de pâtisserie, cours qu'elle a d'ailleurs vite arrêté pour en suivre sur la couture. Elle avait peu d'amies, "les vrais, tu peux les compter sur les doigts d'une main" et elle ne sortait en soirée que chez la famille ou lors des invitations des amis de mon père. Au final, je pense qu'elle aimait bien s'occuper de sa maison, de son jardin, faire un peu de couture, tester de nouveaux loisirs créatifs pendant que mon père partait à la pêche. Entre les dimanches plage en famille et les samedis chez les copines, les matinées où je restais seule n'arrivait pas souvent.

Le week-end, nous allions souvent faire les magasins et les foires, j'adorais l'accompagner et elle me demandait toujours mon avis avant d'acheter. "Tu as les mêmes goûts que ton père". Je me sentais importante même si au fond, mon opinion n'était pas si indispensable. Ce n'était pas ce qui l'empêcherait d'acheter un de ses coups de coeur! Ma mère ... une vraie accro du shopping. Ces moments de complicité me paraissent bien loin maintenant.

16 mai 2009

... 2002

Le visage du docteur était ridé, ses traits étaient marqués par la fatigue, je contemplais ce visage avec curiosité, on aurait dit que ses yeux rapetissaient sous les rides. Il parlait beaucoup, de tout et de rien, de sa maison qu'il était en train de rénover, puis de la forme qu'avaient mes pieds à ma naissance, et enfin il avoua qu'il n'était pas pressé de partir à la retraite, il devait d'abord achever l'ensemble de ses travaux et il avait encore d'autres projets, il m'avait même surnommé "la grenouille". J'avais hâte de m'en aller. Je n'aimais pas ce monsieur tout grisonnant qui se moquait de mes pieds palmés. Et de toute façon, mes copines trouvent que j'ai de la chance de les avoir, paraîtrait-il que pour la danse, c'est mieux.

                                                                   ***

Comme chaque matin, je passais dans sa salle de bain lui piquer ses barrettes, épingles, pincettes et autre accessoires de coiffure. Elle en avait de toutes les couleurs et de toutes les formes. Les pinces en forme de papillon pastel étaient mes préférés. J'essayais en vain de les faire tenir en chignon sur mes cheveux raides et épais. Je me rabattais ensuite à chaque fois sur d'autres pinces de forme plus standard et qui me prenait moins de temps pour me coiffer. Ma mère les mettait ensuite sur les cheveux fins de ma petite sœur qui les aimait autant que moi, voire même beaucoup plus. A défaut de ne pas pouvoir les porter, je préférais encore les voir sur elle que dans le tiroir. Elles étaient si jolies. Ma mère avait ce goût particulier pour les choses originales et ce qui sortait de l'ordinaire. Il lui fallait à tout prix les dernières nouveautés et çà, dans n'importe quel domaine.

Sur le rebord du lavabo, elle avait posé un paquet de serviettes hygiéniques pour la nuit et un autre pour la journée. Elle m'expliqua alors qu'il fallait deux types, un de texture épaisse pour les menstruations et un autre plus fin pour les saignements qui arrivaient en dehors de ces périodes. J'étais au lycée, en classe de première on avait eu des cours de biologie sur la reproduction et jamais on n'avait parlé de saignements en dehors des règles, j'en aurai mis ma main à couper.

Elle s'est alors rappelé ce coup de fil. C'était quand déjà ? elle ne l'avait toujours pas rappelé.


15 mai 2009

En y repensant

En y repensant, je me demande ce qu'il se serait passé :
si elle avait été là lorsqu'il l'avait appelé,
si il l'avait rappelé
si elle l'avait rappelé ...
Tout aurait été différent, mais on ne change pas le destin.

15 mai 2009

2002 ...

Ça a commencé avec un simple coup de fil. Il avait appelé et laissé un bref message sur son répondeur. Elle avait du travail, plusieurs semaines ont passées, plusieurs mois ... Elle s'était dite que si c'était important, il la rappellerait. Aucun appel ... jusqu'au jour où elle s'est décidée à le rappeler.

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Un soir d'avril
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